Joël Llorens

Melons d'hier et de demain

Astaffort (47)

partenariat depuis : 2017
dernière visite : 11/06/2018

C’est un après-midi de juin à Astaffort, « commune de Francis Cabrel » . Le vent souffle, les nuages et les ombres dansent sur les coteaux vallonnés ; nos pupilles doivent s’adapter à l’alternance des gris et des forts éclats de lumière que renvoient les bâches blanches des tunnels. Nous sommes dans les champs de melons de Joël Llorens. Son arrivée en quad à vive allure est trompeuse sur le caractère du personnage, un homme posé à la voix pondérée. Immédiatement nous nous engageons ensemble sur les sentiers. Joël nous éclaire sur bien des questions relatives au melon et à sa culture.
L’accent chantant, il déroule les anecdotes pour relater son parcours d’agriculteur : les débuts du melon (1967) tout comme le passage en bio correspondent à des jalons de l’histoire familiale.
Le melon, c’est d’abord une occasion de se concentrer sur une culture en particulier. À l’époque des trente glorieuses, alors que les besoins du marché changent, la ferme traditionnelle en polyculture évolue elle aussi et la famille se lance. C’est une culture qui représente une petite part de superficie sur la ferme (4ha sur 107) et qui, aujourd’hui encore, lui prend beaucoup de temps. C’est aussi une culture d’été, avec cet inconvénient des longues journées de travail au moment où beaucoup partent en vacances. Mais « c’est plaisant, on aime bien ça quand même » s’empresse-t-il d’ajouter.

La conversion en bio arrive au croisement des facteurs d’argent et de santé : d’un côté, les prix si peu attractifs du conventionnel (un système qui « écœure ») ; de l’autre, la maladie cardiaque du frère. Aujourd’hui, Joël déplore que, quand il regarde aux alentours, il y ait sans arrêt « des tracteurs avec une pompe à sulfater en train de déverser des engrais chimiques ». Les dégâts commis sont irréparables, et empêchent les agriculteurs en bio d’avancer. Il nous raconte l’histoire du colza qu’il a voulu semer, confiant, sur une vingtaine d’hectares, et les altises qui, chassées chimiquement des cultures voisins, se sont empressées de tout saccager — les 500m qui les séparaient n’auront pas suffit à les dissuader.
C’est avec la même sérénité que Joël émet son pronostic — pourtant sombre — pour cette année-là (nous sommes en 2018). D’après la météo capricieuse (un temps trop sec suivit d’une grande quantité d’eau) « on s’oriente vers une production avec de la maladie, de la pourriture notamment ». Son expérience lui a fait comprendre : « C’est essentiellement météorologique. Le producteur peut bien faire quelque chose mais c’est surtout là-haut que ça se passe ». Alors en attendant, il ouvre et ferme ses tunnels, pour réguler la chaleur, éviter les coups de froid ou de chaud. L’étalement des plantations est un autre moyen pour prévenir tant que possible les situations « tampons », où tous les melons mûriraient en même temps, inondant le marché.
C’est encore avec une anecdote à l’appui qu’il aborde le sujet :
[Une année, voyant les melons tarder à mûrir, ses parents partirent passer le weekend en bord de mer ; là-bas, en ouvrant la Dépêche (journal du Sud-Ouest) le père sentit « le sang lui tomber aux talons » : en couverture, c’était sa maison avec les forces armées au premier plan ! Celles-ci avaient été mobilisées par le secours populaire, venu à la ferme pour débarrasser l’énorme quantité de melons (1,5tonne ramassée) qui restait invendue. Il n’avait fallu qu’une seule nuit — et l’arrivée du fameux vent d’autan — pour que les melons jaunissent d’un coup.] Ainsi va-t-il des aléas de la météo.
Qu’est-ce qui garantit le bon goût du melon ? La météo est justement l’un des facteurs principaux. À celle-ci s’ajoutent la qualité de la terre, l’orientation de la parcelle et la variété du plan. Écoutons les explications du producteur.
L’avenir pour Joël ? Il s’écrira avec son fils. Lui qui partit travailler en ville, fut diplômé comme ingénieur électronique avec master en économie, envisage finalement de revenir aux sources accompagné de son épouse. Une perspective réjouissante pour l’agriculteur, qui ne travaillera plus seul — mais aussi pour l’environnement et pour nous tous, car c’est là que s’écrit l’avenir.
Bravo à cette nouvelle génération qui s’engage pour la relève !
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